Tout ce qui d'habitude provoquait chez moi sourire et indifférence, Elle l'avait en elle.
Elle était extrêmement soucieuse de son apparence. Caricaturale même.
Elle
parlait beaucoup, avec une intonation suraiguë qui portait très loin,
aussi loin certainement qu'elle voulait étendre son influence.
Elle
était inculte, n'ayant lu que quelques classiques sous la contrainte
scolaire et n'attachant à cet art mineur qu'un intérêt de vernis.
Elle m'envoyait des mails de quelques mots , jonché de fautes de grammaire.
Les seules affinités que nous avions étaient dues à ma volonté d'en avoir.
N'en ayant trouvé aucune naturellement, je les avais créées spécialement pour l'occasion.
Et en bon professionnel, je m'étais documenté.
Ainsi
avaient germé là un intérêt pour le stylisme, ici un autre pour la
décoration et là-bas, tout là-bas, un autre encore pour les accidents
de voiture (eh oui, c'était sa spécialité, que voulez-vous).
J'étais devenu intarissable sur les créateurs, les coupes de vêtements et les défilés de mode.
Une autre caractéristique importante de notre relation était l'écoute.
La mienne bien entendu.
Je
pouvais l'écouter, sans l'entendre vraiment, se plaindre pendant des
heures de ses collègues de bureau, de la méchanceté de son chef de
service ou d'autres menues déconvenues qui, dans sa bouche,
prenaient l'allure de catastrophes planétaires.
Elle pleurait presque tous les jours.
Parce
qu'en fait, rien ne l'intéressait plus qu'elle même, ce qui est somme
toute une caractéristique assez répandue chez l'espèce humaine.
Alors qu'ai-je fais au bout du compte ?
Ai-je essayé de la séduire, de l'impressionner ?
Non, je n'ai rien fait, rien montré.
Rien qui aurait pu éveiller le moindre soupçon chez elle.
Et la raison en est bien simple: je ne voulais pas d'une telle relation.